Chapelle Saint-Charles-Saint-Claude

Décorer une chapelle en 2013 ?…

Juin 2013… N’y tenant plus donc, me voici à nouveau devant cette porte, débarquant mon matériel, retrouvant à l’intérieur cette odeur indéfinissable, si particulière à ce lieu et qui m’est si chère ; touchant, caressant à nouveau les murs que ma peinture recouvre, collant ma joue à leur surface afin qu’une vision frisante me décèle les redoutables boursouflures de l’humidité. Aucun endroit est atteint, je me rassure définitivement (la bonne blague… quel peintre serait rassuré définitivement ?)  en changeant d’angle, de position… Rien à signaler : j’ai été un élève consciencieux, respectant les conseils et les consignes que d’autres peintres, des vrais*, ont eu la générosité de me prodiguer alors que je me trouvais devant un mur étranger et sur la peau duquel j’allais tracer une œuvre que je voulais durable.

Désirant laisser libre de toute décoration le mur auquel est accolé l’autel (celui-ci de forme galbée, typique du XVIIIe siècle est de dimensions très importantes, couvrant presque toute la largeur du mur ; de plus, l’espace situé au-dessus du tabernacle est occupé par un tableau ancien, médiocre mais ancien, ce qui lui donne un droit d’occupation indéniable), il me restait le côté opposé, au-dessus et de part et d’autre de la porte d’entrée. Une bien belle surface, et haute…    

Si j’avais volontairement conçu la décoration des collatéraux comme des frises, des phrases faites pour la lecture, cette fois, je voulais monter jusqu’au plafond.

Ayant déjà traité ce qui me semblait essentiel à la décoration de la chapelle (à savoir les vies de deux dédicataires et des épisodes de la vie de Jésus), je pensais pouvoir continuer, avec la même liberté (la liberté du créateur… encore une bonne blague !), ce que j’avais esquissé sur les murs de l’intrados : un ensemble de clins d’œil où chacun pourrait penser qu’ils lui sont adressés.

C’était compter sans saint Luc… je l’avais tant cité, j’avais tant évoqué sa présence qu’il se rappelait maintenant à mon bon souvenir. Je choisirai donc dans les Actes mes sujets. On reconnaitra (du moins, je l’espère), entre autres, une conversion de saint Paul, la tempête et le naufrage, la guérison d’un impotent…

Le phénomène de l’ascension des saints représentant pour moi un sujet d’intérêt et d’étude pour le moins redondant (avec les cortèges et les porteurs d’offrandes… allez savoir pourquoi !), je me devais d’y consacrer évidemment la partie haute de la voute. Le sommet de la porte formant une délimitation logique à la composition de ma scène d’ascension, je traçais de ce point la ligne horizontale de sol duquel s’élèvera mon saint. Cette frontière due, de manière heureuse, à la configuration des lieux m’offrait naturellement, dans l’arrondi de la voute, deux espaces en forme d’écoinçon : j’y plaçais deux anges musiciens, comme les Romains plaçaient à ce même endroit de leurs arcs de triomphe, des victoires ailées…

Paul Conte, Mars 2014

* Concernant les murs, les vrais peintres sont les peintres du bâtiment, c’est-à-dire les artisans qui ont une réelle et pragmatique connaissance des fonds maçonnés, des enduits et des types de peintures qui leur conviennent. Avant de commencer la décoration de la chapelle, j’avais sollicité les avis éclairés d’un grand spécialiste, Didier Lebon. Je ne le remercierai jamais assez, tant sa disponibilité et sa compétence me furent précieuses…

Plus récemment, lors de la réalisation des peintures murales de l’église Notre-Dame de la Mer à Cagnes, j’ai eu la chance de rencontrer Daniel Chalmin et de bénéficier de son expérience irremplaçable, de ses conseils aussi pertinents qu’amicaux.

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