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Tout doit certainement se décider en haut lieu…

Une fois tout bien pesé, l’affaire entendue, l’ordre donné, l’opération est lancée. Tout va alors vite et impeccablement : c’est une technique éprouvée et très au point dont on ne semble pas connaître de cas d’échecs. Son succès tient, pour une grande part, à la rapidité d’exécution, à l’effet de surprise. La parfaite maîtrise des phénomènes d’aérobie et des lois de la physique des explosions doit y être aussi pour quelque chose. En effet, si on ne peut y déceler rien de l’intelligence naturelle de l’oiseau ou de la réflexion du battement d’ailes, on pense plutôt à l’action d’un commando spécialisé dans le coup de main, le rapt, l’exécution sommaire, à quelque chose de militaire. La poussée verticale s’appuie sur le sol horizontal, solide et dur, le sol humain. Il faut, pour le quitter, rassembler étroitement des forces inimaginables, en savoir l’action en un endroit et en un instant précis. L’ascensionniste n’a rien de l’hydroglisseur mais tout de la fusée. C’est une apothéose violente, explosive… il planera plus tard, plus haut, une fois accueilli enfin par des personnages emblématiques, préparés à cette mission de réception. Les rares documents visuels que nous possédons (ils viennent presque essentiellement des peintres, comme un fait exprès) montrent l’hébétude puis la crainte des témoins (parmi lesquels il y a, peut-être, des complices), l’effarement puis la béatitude du protagoniste. Après l’explosion du décollage proprement dit, la montée semble se faire d’une manière plus régulière, moins brutale – n’est-ce qu’une impression due à l’éloignement ? – et cependant inexorable : un point, c’est tout… Puis, plus rien. Plus rien au sol aussi, si ce n’est, à l’endroit de l’événement, un léger tourbillon aérien que colore une si fine poussière d’or et d’argent que les particules ne se déposeront jamais à terre, au grand dam des spectateurs-témoins (complices ?), les privant ainsi de toute preuves. Reste, seule, la disparition phénoménale et peut commencer alors, pour les rescapés, le deuil extasié.

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